J’avais
dans la matinée bataillé à la grande braderie de Lille avec un
antiquaire peu scrupuleux vendant une vague table en Corian® non signée
plus chère qu’une table Eames et je pensais me consoler de retour à la
maison. J’attendais mon Cottin, mon petit bijou d’ordinateur.
Nestor s’était montré outrecuidant en annonçant qu’on ne l’avait pas livré. Il prenait ses aises ces derniers temps, allant jusqu’à mépriser le surnom tintinophile que je lui attribuais : « Mihaï, ce n’est pas un nom de majordome », lui avais-je expliqué. « Que voulez-vous ? Le petit personnel n’est plus ce qu’il était », avait-il osé plaisanter. J’avais redoublé de fureur en quittant la pièce, appréciant en cachette, il est vrai, son esprit fier, sa répartie intelligente, derrière une allure distinguée.
Bien qu’il m’ait converti à l’informatique, Nestor ne se rendait pas compte de ma déception. L’ordinateur avait pris une grande place dans ma vie. J’y trouvais de nouveaux réseaux pour mes voitures de collection, des informations sur les ventes aux enchères à New-York, les créneaux pour les couloirs aériens, etc. En un clic, j’avais le monde à portée de main.
Or, s’il y a bien une qualité que je reconnais aux Américains - hormis leur faculté à prétendre que leurs vins californiens valent nos vins français… Terrible mensonge ! - c’est leur habilité à introduire le mauvais goût dans nos demeures sous un label qu’ils nomment « technologie ». Ordinateurs, chaînes Hi-fi, télévisions… le temps passe et je n’arrive pas à accorder la « technologie » avec mon mobilier. Ce n’est pas faute d’aimer le design contemporain.
Quand Nestor m’a fait connaître de Cottin le 413, mon Cottin, il l’a présenté sous l’angle technologique : un ordinateur d’un genre nouveau, un PC sophistiqué composé à partir des meilleurs composants des mondes militaire et médicale, la pointe de la technologie. Je n’ai pas bien compris. « Le meilleur de l’informatique », a-t-il résumé.
J’ai voulu voir ce bel objet. Nestor m’a conduit au 60 quai des Orfèvres, à Paris, pour que je touche, vois les matières qui le composeraient. Etait exposé le 413 « couleur d’avenir ». C’est là que j’ai compris que je pouvais créer un véritable bijou : sur la coque en nickel noir seraient gravées les armes de la maison ; sur le vitrage ultra fin de mon écran en verre diamant se reflèterait le pavé tactile entouré de deux repose-paumes en cuir alligator. Quand mes doigts ont glissé sur les touches en métal poli, j’ai bien senti que toutes les pièces étaient montées à la main, comme un bijou. Et j’appris alors que tout était préparé en Ile de France.
Il y a deux heures, je suis entré dans mon salon. Je pestais par principe contre Nestor quand j’ai vu que quelque chose avait changé. L’esprit du lieu semblait revenu comme jadis et je vis que mon vieil ordinateur manquait. J’ai tiré les rideaux et, à l’emplacement exact où je l’aurais posé, s’accordant avec les meubles de la pièce à la perfection, Nestor avait disposé mon Cottin.
J’ai appelé dans la seconde : « Nestor ! » Il est arrivé la seconde suivante. Comme je ne trouvais pas mes mots, il a précisé que la dernière fois que je l’avais renvoyé, c’était une plaisanterie pour mieux l’augmenter. J’ai vu son œil hagard, estimé tout ce potentiel dont il n’est jamais avare et que je me devais de reconnaître. Je lui ai dit : « Dites moi, Mihai, ça vous dirait de devenir mon secrétaire particulier ?». Il a répondu avec son air complice : « Un secrétaire pour y poser votre Cottin ? Bien entendu, Monsieur. »
Nestor s’était montré outrecuidant en annonçant qu’on ne l’avait pas livré. Il prenait ses aises ces derniers temps, allant jusqu’à mépriser le surnom tintinophile que je lui attribuais : « Mihaï, ce n’est pas un nom de majordome », lui avais-je expliqué. « Que voulez-vous ? Le petit personnel n’est plus ce qu’il était », avait-il osé plaisanter. J’avais redoublé de fureur en quittant la pièce, appréciant en cachette, il est vrai, son esprit fier, sa répartie intelligente, derrière une allure distinguée.
Bien qu’il m’ait converti à l’informatique, Nestor ne se rendait pas compte de ma déception. L’ordinateur avait pris une grande place dans ma vie. J’y trouvais de nouveaux réseaux pour mes voitures de collection, des informations sur les ventes aux enchères à New-York, les créneaux pour les couloirs aériens, etc. En un clic, j’avais le monde à portée de main.
Or, s’il y a bien une qualité que je reconnais aux Américains - hormis leur faculté à prétendre que leurs vins californiens valent nos vins français… Terrible mensonge ! - c’est leur habilité à introduire le mauvais goût dans nos demeures sous un label qu’ils nomment « technologie ». Ordinateurs, chaînes Hi-fi, télévisions… le temps passe et je n’arrive pas à accorder la « technologie » avec mon mobilier. Ce n’est pas faute d’aimer le design contemporain.
Quand Nestor m’a fait connaître de Cottin le 413, mon Cottin, il l’a présenté sous l’angle technologique : un ordinateur d’un genre nouveau, un PC sophistiqué composé à partir des meilleurs composants des mondes militaire et médicale, la pointe de la technologie. Je n’ai pas bien compris. « Le meilleur de l’informatique », a-t-il résumé.
J’ai voulu voir ce bel objet. Nestor m’a conduit au 60 quai des Orfèvres, à Paris, pour que je touche, vois les matières qui le composeraient. Etait exposé le 413 « couleur d’avenir ». C’est là que j’ai compris que je pouvais créer un véritable bijou : sur la coque en nickel noir seraient gravées les armes de la maison ; sur le vitrage ultra fin de mon écran en verre diamant se reflèterait le pavé tactile entouré de deux repose-paumes en cuir alligator. Quand mes doigts ont glissé sur les touches en métal poli, j’ai bien senti que toutes les pièces étaient montées à la main, comme un bijou. Et j’appris alors que tout était préparé en Ile de France.
Il y a deux heures, je suis entré dans mon salon. Je pestais par principe contre Nestor quand j’ai vu que quelque chose avait changé. L’esprit du lieu semblait revenu comme jadis et je vis que mon vieil ordinateur manquait. J’ai tiré les rideaux et, à l’emplacement exact où je l’aurais posé, s’accordant avec les meubles de la pièce à la perfection, Nestor avait disposé mon Cottin.
J’ai appelé dans la seconde : « Nestor ! » Il est arrivé la seconde suivante. Comme je ne trouvais pas mes mots, il a précisé que la dernière fois que je l’avais renvoyé, c’était une plaisanterie pour mieux l’augmenter. J’ai vu son œil hagard, estimé tout ce potentiel dont il n’est jamais avare et que je me devais de reconnaître. Je lui ai dit : « Dites moi, Mihai, ça vous dirait de devenir mon secrétaire particulier ?». Il a répondu avec son air complice : « Un secrétaire pour y poser votre Cottin ? Bien entendu, Monsieur. »
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